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12 mai 2008

La Voix de l’exorcisme (douceur de l’Extinction)

Le_Bernin1

Calme silence ici-bas de bloc chu de désastre obscur; après quoi je me relève, dans les ruines, pour voir si d’aventure, et de quelle sorte de créature, si c’est encore un homme ou seulement trace, archive de présence, quelque chose de senti. On ne cesse de respirer, quand je suis debout, assis, couché. On ne cesse de me faire savoir que je suis en vie, depuis le début. Je finirai de lire Lutz Bassmann, dans le train*. Cette voix dans laquelle on entend quelques mots de l’entrevoûte initiale, extraordinaire. Comme si l’écriture de Bassmann devait être entendue, «forcément», à l’intérieur d’une langue «étrangère». Comme si je ne «supportais» le «français» que de cette manière, traversé de voix par une autre langue, chaque syllabe d’une musicalité qui ne s’entend que sur le seuil d’une autre musicalité, présente et fantomale (la «pluie battante» d’une autre langue qui viendrait mouiller celle que je «parle», la rendant plus belle, presque liquide, étincelante et ronde, douce à mourir, éclatante). Nocturne de cette langue que nous parlons d’évidence, si mal. Nocturne de ce «Monde» que nous fuyons dans la Connaissance et dont nous évitons, d’inconscience, Je ne sais quoi. Le «Monde» le moins su revient dans cette langue qui reste la «nôtre», par une bouche inconnue. Le silence encore, mon propre silence, maintenant. L’entrevoûte initiale, de quel «genre» était la Voix? Ici, de corps et d’archive, elle devient féminine (voix grave, sublime). On ne sait pas qui parle, dans «Un exorcisme en bord de mer». En bord de langue, en bord de «Monde», en bord de Voix: d’un Nom à l’Autre (Schwahn),… Le sauvetage passe par le feu, les balles, cependant que la Voix reste douce, plus délicate qu’un amour, aussi calme qu’une oraison. Je me souviens du Salve Regina, s’élevant, nocturne, dans un monastère cistercien. Les moines dans le chœur, propageant soudain la Nuit dans l’Espace, le Silence dans la Pierre. Ce n’était pas à l’Abbaye cistercienne de Tamié, non loin d’Annecy, d’où me viennent les voix que j’entends à l’instant. C’était à l’Abbaye cistercienne de Hauterive, près de Fribourg, en Suisse. La Voix de l’exorcisme, moins chrétienne que chamanique ou tibétaine, d’une même douceur triomphante, — au milieu des flammes. Et cependant, sans que la douceur à mourir ne cesse un seul instant, «Un exorcisme en bord de mer» connaît la douleur et la mort, sans que nous sachions de quelle voix à quelle voix, de quel corps à quel corps, comme si tout pouvait avoir lieu, dans cette entrevoûte initiale, entre soi et soi. Cela du reste qui arrive, peut-être, de Bassmann à Volodine, de Volodine à Bassmann, et de la Voix à soi? Si le livre est bien cet «instrument spirituel» dont parlait Mallarmé, instrument de combat (de douceur extrême), Avec les moines-soldats vient d’opérer, de Voix de combat, de douceur extrême, — à travers «moi».

«— La nuit est tombée, ai-je dit. L’incendie va venir. Il est temps que tu bouges et que tu sortes.» (p. 32)

* Lutz Bassmann, Avec les moines-soldats, Verdier, «Chaoïd», 2008.

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